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 [L1] - Histoire romaine

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MessageSujet: [L1] - Histoire romaine   [L1] - Histoire romaine Icon_minitimeJeu 1 Avr - 13:38

CM L1 HLHAN201 (cours du lundi 22 mars).

L’armée romaine d’Auguste à Néron
Lorsque Octave l’emporta définitivement sur Marc Antoine en 30 av. J.-C., il hérita d’une armée nombreuse, puisqu’à la sienne s’ajoutait celle de son rival qui s’était ralliée à lui, armées qui avaient combattu lors des affrontements des guerres civiles depuis la mort de César et parfois auparavant, mais aussi à l’occasion de guerres extérieures (par exemple lors des expéditions d’Antoine contre les Parthes ou d’opérations de pacification en Occident). Cette situation posait de multiples problèmes en raison des conditions du recrutement de ces troupes, de leur hétérogénéité et de leur indiscipline éventuelle, problèmes réels mais qu’il ne faut pas non plus exagérer au moins pour les unités de type « romain » (en outre la propagande augustéenne a certainement abusé du cliché d’une armée d’Antoine abondamment recrutée parmi des peuples étrangers, voire ennemis de Rome). Les vrais problèmes qui se posaient à Octave étaient les suivants : d’une part l’obligation de diminuer pour des raisons à la fois politiques et budgétaires les effectifs pléthoriques de cette armée comportant peut-être 50 à 60 légions, ce qui imposait des démobilisations massives ; d’autre part, tout en reconnaissant à l’armée une place dans le système impérial [pour des raisons conjoncturelles évidentes : Auguste lui devait sa victoire et donc son pouvoir, mais aussi historiques : Rome et son armée ne faisaient qu’une], il devait surtout à tout prix éviter qu’elle ne puisse servir d’instrument à un autre que lui, ce qui aurait replongé le monde romain dans les guerres civiles.
Auguste démobilisa donc à partir de 30 av. J.-C. au moins les deux tiers des effectifs, créant pour cela de nombreuses colonies en Italie (28 au total d’après son bilan, les Res Gestae, certaines fondées avant 30 av. J.-C.), en Occident [Espagne, Gaule Narbonnaise, Afrique Proconsulaire (7 ou Cool, territoire du royaume Maure entre 33 et 25 av. J.-C. (13)] comme en Orient [une quinzaine en Macédoine, Achaïe, Asie, Syrie et surtout dans les régions Anatoliennes au sud-est de l’actuelle Turquie (Cool]. Il continuait ainsi la politique qui avait été celle de César et la sienne en Occident avant la bataille d’Actium, procédant par expropriations parfois, mais surtout par achats ou installations de vétérans sur des terres publiques ou confisquées, politique qui permit d’éviter de trop mécontenter les civils tout en satisfaisant les anciens soldats, contribuant par là-même à assurer sa popularité et la pérennité du régime impérial.



I : L’armée romaine, structure et organisation

Auguste réorganisa l’armée romaine
- en la restructurant en profondeur, diminuant le nombre des légions tout en créant de nouvelles unités à Rome pour des raisons essentiellement politiques,
- en installant les légions soit aux frontières, soit dans des secteurs intérieurs sensibles (Espagne, Afrique, Egypte notamment), dans des camps destinés à devenir permanents,
- en instaurant un service long, 16 à 25 ans, assorti d’avantages matériels (soldes, prime de démobilisation) et juridiques (citoyenneté romaine sous condition pour les soldats non-citoyens), ce qui dans les faits en faisait une armée de métier, recrutée sur la base du volontariat. Cependant l’obligation du service militaire civique pour les citoyens ne fut jamais abolie, ce qui permettait aussi le recours à la conscription en cas de besoin.
Conscient de l’impératif d’assurer la stabilité politique sur le long terme, Auguste, tout en laissant aux sénateurs l’essentiel des commandements militaires, retira au Sénat la disposition de l’armée en réservant les garnisons légionnaires aux provinces que nous appelons « impériales » dont il contrôlait personnellement l’administration. A la seule exception de l’Afrique proconsulaire (où était cantonnée la IIIe Légion Auguste), les provinces dépendant directement du Sénat n’avait donc pas de légion, même si on pouvait ponctuellement y trouver des détachement ou des unités auxiliaires ou assimilés. Par ailleurs, certaines provinces « impériales » n’avaient pas de légion, par exemple les provinces d’Aquitaine, Lyonnaise et Belgique considérées comme sûres ; en cas de problème, le pouvoir y faisait intervenir l’armée d’une région voisine.
Les mesures d’Auguste ont donné à l’armée romaine dans son ensemble une structure et un fonctionnement qui vont perdurer trois siècles.

Structure de l’armée et types d’unités
A partir d’Auguste, l’armée impériale s’est composée de divers types d’unités fort différentes.
¤ Les Légions, le cœur de l’armée romaine, ont vu leur nombre considérablement diminuer, passant peut-être à 18 seulement au début du règne, avant qu’il ne soit graduellement augmenté, passant à 25 en 14 ap. J.-C. et à 28 en 68 ap. J.-C. Il s’agissait d’unités d’infanterie lourde, comportant chacune en 10 cohortes numérotées de I à X, elles-mêmes subdivisées en 5 (la Ire) et 6 centuries (les 9 autres), soit un total de 59 centuries. Leur effectif représentait environ 5à 6000 hommes pour chacune, essentiellement des fantassins, même si chaque légion comportait aussi un très petit nombre de cavaliers, environ 120. Chaque légion portait un numéro et un (ou plusieurs) surnom(s) : IIIe Auguste, XXe Valeria Victorieuse …
¤ Les unités auxiliaires correspondaient à une habitude romaine ancienne, celle d’intégrer à l’armée des alliés « étrangers », c’est-à-dire non-citoyens. Il s’agissait d’unités de second plan mais organisées sur le modèle romain et pleinement intégrées à l’armée impériale. Elles se composaient d’
- Ailes, unités de cavalerie de 500 hommes répartis en 16 escadrons, et de
- Cohortes, unités d’infanterie légère ou unités mixtes associant cavalerie légère et infanterie, de 500 hommes répartis en 6 centurie (infanterie) ou centuries et escadrons (mixtes). Ces unités portaient un numéro et un surnom évoquant en général la région où avait été levée l’unité : Ire Aile des Pannoniens, VIIe Cohorte des Rhètes …
¤ La flotte. Les bateaux pris à Marc Antoine furent installés dans le port de guerre de Fréjus, où ils restèrent une partie de l’époque julio-claudienne, mais furent aussi très vite créées en Italie, à Ravenne (au nord de l’Adriatique) et à Misène (près de Naples), deux flottes chargés de surveiller l’ensemble de la Méditerranée. Apparurent plus tard des flottes provinciales, par exemple celles de Germanie sur le Rhin, et de Bretagne sur la Manche entre Boulogne et Douvres, même s’il est évident qu’avant leur création l’armée romaine utilisait déjà des navires de guerre et de transport dans tous ces secteurs comme le montre l’histoire des guerres de Germanie sous Auguste.
¤ La création d’une garnison à Rome constitua l’innovation augustéenne majeure car traditionnellement, il n’y avait pas d’armée dans Rome ; à la seule exception des triomphes, la présence de soldats était interdite dans le périmètre de l’enceinte sacrée de la Ville.
- Les Cohortes prétoriennes (au nombre de 9 et numérotées de I à IX) furent créées vers 27-26 av. J.-C. et d’abord dispersées dans Rome et aux alentours, leur nombre (9), inférieur à celui des cohortes d’un légion (10), permettant aussi de limiter l’impact psychologique de leur présence dans la Ville. Il s’agissait d’unités de 500 hommes chacune qui reçurent ensuite un camp permanent à la limite nord-est de Rome sous Tibère, vers 23 ap. J.-C. ; leur nombre semble avoir évolué, passant à 12 vers 47 ap. J.-C. Composées à 80% environ de fantassins, elles constituaient la garde impériale.
- Les Cohortes urbaines (au nombre de 3 et numérotées de X à XII à la suite des cohortes prétoriennes) furent instituées en 13 av. J.-C. Dispersées dans la Ville, puis installées dans le camp des prétoriens, il s’agissait d’unités de 500 hommes qui assuraient la police urbaine pendant la journée. Leur nombre fut peut-être augmenté sous Claude.
- Les Cohortes des Vigiles (au nombre de 7 et numérotées de I à VII), furent créées en 6 ap. J.-C. Dispersées dans la Ville, chacune ayant pour secteur d’intervention deux des quatorze régions administratives instituées par Auguste, ces unités de 500 hommes assuraient la police nocturne et la prévention et la lutte contre les incendies.
- A ces trois corps s’ajoutaient des unités diverses, aux effectifs restreints, constituant les gardes du corps (des « Germains », dissous en 9 ap. J.-C. à la suite du désastre de Varus et reconstitués en 14) et autres spécialistes (services secrets, transmission des ordres et informations, hommes de main …) attachés à l’empereur.
A partir d’Auguste Rome reçut donc une garnison importante (plus de 10 000 hommes) qui avait pour mission d’assurer l’ordre et la sécurité dans la Ville, mais aussi et surtout celle de l’empereur et de son entourage, la multiplicité des types d’unités donnant à Auguste la disposition d’une véritable armée sans donner le sentiment de militariser Rome.
Recrutement, service et solde.
Fondamentalement, le recrutement se faisait sur des bases différentes qui ouvraient l’armée aux multiples catégories d’hommes libres (jamais aux esclaves !), mais sur la base de règles rigoureuses, les inégalités entre les durées de service et le montant des soldes contribuant aussi à établir une hiérarchie entre les unités.
- Les légions constituaient depuis toujours l’armée civique par excellence et étaient donc strictement réservées aux citoyens Romains, en principe de naissance, même si en cas d’urgence (par exemple après le désastre de Varus en 9 après J.-C.) sont attestés des cas exceptionnels de recrutement d’affranchis de citoyens Romains ou de pérégrins naturalisés pour l’occasion. Etre légionnaire impliquait de remplir des exigences juridiques, physiques évidemment, mais aussi intellectuelles et culturelles, et au tout début de l’Empire, le recrutement se faisait donc fondamentalement en Italie, seule région peuplée exclusivement de citoyens romains, et de façon plus accessoire dans les colonies provinciales ; par la suite, il s’étendit progressivement aux provinces au fur et à mesure que progressait la romanisation juridique. Le service était long, d’abord 20 puis 25-26 ans, et même parfois plus en pratique. La solde de base, d’Auguste à la fin du Ier siècle ap. J.-C., était de 900 sesterces par an, montant sur lequel était prélevé le coût de l’équipement et des armes et un dépôt forcé que récupérait le soldat lorsqu’il quittait le service.
- Les unités auxiliaires étaient ouvertes aux pérégrins, sans être interdites aux citoyens Romains (exigences physiques moins élevés que dans les légions, et aussi utilité pour le commandement de disposer de soldats et de gradés romains). Elles recrutaient partout dans l’empire parmi les hommes libres ; en règle générale, elles étaient cantonnées loin de leur secteur de recrutement initial qui continuait en général, malgré l’éloignement géographique, à fournir des soldats aux différentes unités qui y avaient été levées. Le service y était de 25-26 ans au moins, et la solde plus faible que dans les légions, les cavaliers percevant plus que les fantassins.
- Les cohortes prétoriennes et urbaines recrutaient exclusivement des citoyens Romains, majoritairement de Rome et d’Italie ; le service y était respectivement de 16 et 20 ans et la solde de base de 3000 et 1500 sesterces.
- Les cohortes des Vigiles étaient recrutés dans des milieux modestes, affranchis et parfois citoyens Romains, de Rome et d’Italie ; la solde était faible (600 sesterces ?) et le service plus long que dans les autres unités de Rome.
- Les différentes flottes recrutaient largement dans des milieux d’affranchis ou de pérégrins peu romanisés (par exemple les égyptiens), même s’il y avait parfois des citoyens Romains. Géographiquement le recrutement était large, incluant tout l’Occident hors d’Italie et l’Orient. La service était long et la solde faible.
La durée du service, en général de 20 à 25 ans environ, impliquait des besoins annuels de recrutement qui peuvent nous paraître faibles : une légion d’un peu plus de 5000 hommes servant 25 ans avait besoin tous les ans d’environ 200 à 240 recrues pour compenser les pertes dues aux démobilisations ; rapportées à une armée romaine d’environ 200000 soldats, nous arrivons à des besoins annuels de moins de 10000 hommes. Cela peut paraître faible, mais en réalité les besoins étaient généralement plus importants en raison des morts naturelles pendant le service et évidemment des pertes dues aux opérations militaires, sans parler d’un désastre comme celui de Varus qui provoqua la mort de 20000 soldats environ en quelques jours. D’autre part, plus de la moitié des unités étaient exclusivement recrutées parmi les citoyens Romains, encore peu nombreux et certainement largement italiens au début de l’Empire : c’est donc sur eux que pesait l’essentiel des besoins de recrutement !
De façon générale, à leur démobilisation, les soldats recevaient un certain nombre d’avantages, primes pour les légionnaires et soldats des cohortes prétoriennes et urbaines, payées à partir de 6 ap. J.-C. par une caisse créée spécialement par Auguste, le « Trésor militaire », alimentée par des taxes sur les héritages et les ventes, et au moins la citoyenneté romaine pour les soldats pérégrins des unités auxiliaires et assimilés.
Sur tous ces points, recrutement, durée de service et solde, existaient donc des différences nettes qui hiérarchisaient les unités : fondamentalement, plus les unités étaient prestigieuses, plus le service y était court et la solde élevée, témoignage évident des préoccupations politiques d’Auguste créateur de ce système.
Commandement et hiérarchie.
Fondamentalement, toutes les unités étaient commandées par un citoyen Romain, sénateur ou chevalier Romain (= membre de l’ordre équestre).
- Chaque légion était sous l’autorité d’un « légat de légion », sénateur, assisté d’un tribun appartenant à l’ordre sénatorial, de cinq tribuns chevaliers Romains, et d’un préfet de camp, qui constituaient l’état-major légionnaire. A l’échelon inférieur, chaque centurie était commandée par un centurion, officier subalterne parfois issu du rang et promu à ce grade. La seule exception à ce schéma apparaissait en Egypte, province dans laquelle les légions étaient commandées par un chevalier Romain, portant le titre de « préfet de légion » et où tous les tribuns appartenaient à l’ordre équestre, Auguste ayant interdit aux sénateurs d’exercer des fonctions et même de séjourner ou de visiter cette province.
- Les unités auxiliaires étaient commandées par un préfet ou un tribun appartenant à l’ordre équestre, assisté d’officiers subalternes (centurions pour l’infanterie, décurions pour la cavalerie) en général citoyens romains, mais parfois aussi pérégrins.
- Chaque flotte était placée sous l’autorité d’un préfet, en général chevalier Romain, assisté d’officiers subalternes de statuts divers.
- Les Cohortes prétoriennes étaient placées sous l’autorité du (ou des deux) préfet(s) du prétoire, chevalier Romain, chaque cohorte étant commandée par un tribun de rang équestre assisté de six centurions. Le(s) préfet(s) du prétoire avait aussi autorité sur les unités attachées à l’empereur.
- Les Cohortes Urbaines dépendaient du Préfet de la Ville, sénateur de haut niveau, chaque cohorte étant là aussi commandée par un tribun de rang équestre assisté de six centurions.
- Les Cohortes des Vigiles étaient placées sous l’autorité du Préfet des Vigiles, chevalier Romain, et chaque cohorte commandée par un tribun de rang équestre assisté de sept centurions.
Fondamentalement chaque unité avait donc un commandant disposant d’un état-major ou bureau plus ou moins important, l’encadrement étant assuré par des officiers subalternes (centurions pour l’infanterie, décurions pour la cavalerie) nommés directement ou issus du rang et promus. La troupe était constituée de soldats (miles en latin au singulier, milites au pluriel) pour lesquels il n’existait pas véritablement de grades au sens actuel, mais des affectations ou des spécialisations qui pouvaient valoir des avantages, des privilèges de fonction et de solde, certains soldats percevant une solde multipliée par 1,5 ou 2 (par exemple les différents porte-drapeaux, les soldats affectés à l’état-major ou au service des officiers supérieurs …).



II : Les activités de l’armée

L’armée romaine avait certes pour vocation principale de faire la guerre, mais d’autres tâches lui étaient aussi confiées, de façon régulière ou non, d’une façon qui peut nous surprendre.

La guerre, défensive et offensive
Auguste avait à la fin des guerres civiles démobilisé les ¾ de l’armée, ne conservant que 18 légions, tout en étant conscient de la nécessité d’une armée forte et structurée capable d’assurer la sécurité du monde romain, soit en le défendant, soit en assurant les conquêtes nécessaires à cette sécurité.
Auguste avait donc pacifié certains secteurs intérieurs (le nord-ouest de l’Espagne ou l’arc alpin), conquis ou annexé les territoires de la rive droite du Danube, projeté sans succès d’annexer une large partie de la rive droite du Rhin, la Germanie indépendante, rêve qui fut brisé par le désastre de Varus en 9 ap. J.-C. Vers l’est, il avait réussi à sécuriser la frontière avec les Parthes et annexé l’Egypte dès 30 av. J.-C. ; en Afrique, quelques révoltes avaient dû être réprimées.
On prête à Auguste d’avoir donné comme directive de ne pas chercher à agrandir l’empire qui pouvait paraître avoir atteint un idéal territorial. Sur ce point, ses quatre successeurs auront des attitudes différentes.
Sous Tibère, il y eut quelques annexions en Orient, des expéditions sans lendemain en Germanie qui vengèrent en partie au moins psychologiquement le désastre de Varus mais ne débouchèrent pas sur de véritables conquêtes, les opérations militaires les plus marquantes du règne apparaissant à travers les sources comme la répression des révoltes de Tacfarinas en Afrique (17-24 ap. J.-C.) et de Florus et Sacrovir en Gaule (20-21 ap. J.-C.).
Le règne de Caligula fut très court, mais c’est certainement à cette période que furent préparées sinon planifiées les annexions de la Bretagne et la Maurétanie. Caligula renonça à intervenir en Bretagne, mais en assassinant Ptolémée de Maurétanie en 39 ap. J.-C., il annexa de fait son royaume. Son successeur Claude mena à bien la conquête de l’île de Bretagne (en fait ses parties sud et ouest), en rassemblant une armée d’invasion composée d’une flotte et de plusieurs légions dont quatre restèrent en garnison dans l’île. C’est à cette occasion que fut créée la Flotte de Bretagne, basée à Boulogne et à Douvres, et chargée d’assurer la sécurité maritime et côtière et les transports officiels entre le continent et la Bretagne. En Afrique du Nord, Claude réussit à annexer véritablement le royaume maure en mettant fin à la rébellion d’un affranchi de Ptolémée, Aedemon, et vers 42 ap. J.-C., la situation était devenue calme et le royaume fut divisée en deux provinces, les Maurétanies césariennes et tingitane. S’il put y avoir quelques difficultés ailleurs, ce fut vers l’Orient que resurgit le problème parthe, lorsque l’Arménie fut envahie par les Parthes en 53 ap. J.-C.
Néron hérita de cette situation et mit près de dix ans à rétablir la situation en dépit des mérites de Corbulon, placé à la tête des armées romaines dans ce secteur de 58 à 63 ap. J.-C. Par ailleurs, deux graves révoltes éclatèrent, l’une en Occident, en Bretagne, où la reine des Icéniens, Boudicca, victime de la brutalité d’administrateurs romains, se souleva, mettant les forces romaines et la Bretagne en péril pendant quelques semaines de l’année 61. La seconde, beaucoup plus grave, se produisit en Judée en 66 ap. J.-C., nécessitant la constitution d’une véritable armée confiée par Néron à un sénateur qui avait déjà participé à la conquête de la Bretagne sous Claude, le futur empereur Vespasien. A la mort de Néron en 68, la situation n’était pas totalement redressée et ne le fut définitivement qu’en 73 avec la chute de Massada.
Pendant l’époque julio-claudienne l’effectif de l’armée évolua : Auguste n’avait conservé que 18 légions au début de son règne, mais dut en recruter 8 de plus pour faire face aux besoins des opérations militaires en Germanie et en Europe centrale essentiellement ; 3 furent perdues en 9 lors du désastre de Varus et 2 autres furent levées à la fin du règne. A ces 25 légions s’en ajoutèrent 2 nouvelles sous Caligula ou Claude et 1 à la fin du règne de Néron. Il est probable que l’évolution des effectifs des unités auxiliaires et des flottes, mal connues, fut comparable. De même la répartition des forces ne fut pas statique, mais suivit l’état de la situation militaire et les progrès de la romanisation : l’Espagne avait une forte garnison de 8 à 5 légions sous Auguste, réduite à 3 sous Tibère, 2 sous Claude et 1 sous Néron ; même situation en Illyrie, Dalmatie et Macédoine où l’effectif légionnaire diminua de 5 unités à 1, au profit du secteur danubien qui fut renforcé, passant de 4 à 8 légions. Le secteur du Rhin resta stable, 8 légions sous Auguste, encore 7 sous Claude et Néron. Parallèlement, les conquêtes nécessitèrent évidemment la présence de nouvelles unités : 4 légions et des auxiliaires furent ainsi cantonnées en Bretagne à partir de 44 ap. J.-C., tandis que les Maurétanies recevaient une garnison de plusieurs milliers d’hommes, mais composée exclusivement d’unités auxiliaires.
Les attitudes des successeurs d’Auguste, ou peut-être leurs réactions face aux événements furent donc différentes : Tibère et Néron ne semblent avoir eu aucune velléité offensive, se contentant de réagir, avec décision et efficacité en général, aux menaces intérieures ou extérieures. A l’inverse, à la suite de Caligula et probablement à l’instigation de membres du conseil et de l’état-major impérial, Claude annexa trois nouvelles provinces, la Bretagne –ce qui réalisait peut-être un projet de César- et les Maurétanies césarienne et tingitane.

Force et faiblesses de l’armée romaine
En dehors de la garnison de Rome, de certaines flottes, et de quelques unités, l’armée romaine, c’est-à-dire les légions et les corps auxiliaires, se trouvait depuis Auguste aux frontières, installée dans des camps d’où elle pouvait soit défendre le territoire romain, soit partir en expédition dans le monde barbare. Sa puissance telle qu’on l’imagine, est à la fois une réalité et une apparence. Assurément à l’époque julio-claudienne et plus tard encore, l’armée pouvait assurer ses missions de défense et même de conquête, mais elle était aussi, pour un territoire immense représentant des milliers de kilomètres de frontières, numériquement faible. Ses effectifs vers 27 av. J.-C. ne devaient guère dépasser 150 à 180000 hommes, pour atteindre ensuite 250000 hommes environ vers 68 ap. J.-C.. Cette situation explique l’arrêt de l’offensive en Germanie sous Auguste : la perte de 20000 hommes pendant le désastre de Varus représentait 10% de l’effectif total de l’armée romaine, d’où le désarroi d’Auguste et les mesures de recrutement forcé prises pour reconstituer les unités perdues. La conquête de la Bretagne en 43-44 ap. J.-C., puis la lutte contre la révolte juive à partir de 66, ont nécessité la constitution d’armées qui imposaient de transférer certaines unités ou parties d’unités, et donc de dégarnir certains des frontaliers ou intérieurs. Lorsque Vespasien fut chargé de lutter contre les Juifs, il reçut le commandement de forces qui représentaient de 12 à 15% de l’effectif total de l’armée romaine. De telles opérations, offensives ou défensives, n’étaient donc possibles que si le calme régnait ailleurs, aux frontières comme à l’intérieur des provinces.
Dans ces conditions, la force de l’armée romaine s’explique largement par ses qualités propres : sa structure, la qualité de son encadrement, sa discipline et son entraînement, qualités qui lui permettaient de l’emporter face à des ennemis dont les troupes ne les possédaient pas encore au Ier siècle après Jésus-Christ.

Une armée qui ne combat pas
D’une façon qui peut apparaître paradoxale, l’armée romaine ne faisait pas que combattre, mais avait ou exerçait d’autres tâches non militaires, situation qui s’explique largement par le fait, qu’avec les esclaves et affranchis impériaux, elle constituait le seul véritable corps d’agents permanents de l’état. Si beaucoup de missions qui incombent aujourd’hui à l’Etat étaient accomplies au niveau local par les cités, d’autres l’étaient par l’armée.
- La police : s’il existait des polices locales, sous l’autorité des magistrats des cités, il n’y avait pas l’équivalent de notre police ou gendarmerie nationale. Son rôle sur les grandes routes et dans les cités importantes était tenu par des soldats et gradés détachés de leur unité, qui assuraient localement la sécurité, mais aussi la garde ou le transfert de certains prisonniers (par exemple l’escorte par un centurion de la Judée à Rome de l’apôtre Paul, dont le récit évoque d’autres prisonniers transférés dans les mêmes conditions).
- Les gouverneurs de province, les autres administrateurs et assimilés, et agents divers de l’empereur avaient à leur disposition, outre leur propres esclaves et affranchis, du personnel impérial mais aussi des soldats et gradés qui constituaient leur état-major ou leur cabinet, et les escortaient lors de leurs déplacements en s’occupant de la sécurité et de l’intendance. Des soldats étaient donc détachés, dans leur province de garnison ou dans les provinces voisines quand elles n’avaient pas d’armée, pour servir à des tâches d’administration ou de police et d’escorte auprès de responsables civils.
- L’état romain n’avait pas de corps techniques spécialisés, ce qui explique que l’armée formait pour ses propres besoins des spécialistes de ce que l’on appellerait aujourd’hui le génie civil, ingénieur, architectes, géomètres, arpenteurs, maçons, charpentiers …, chargés des constructions proprement militaires, camps et ouvrages divers, et de leur entretien, mais aussi de celle de routes stratégiques et administratives (par exemple sous Tibère l’ouverture en Afrique de la route menant d’Haidra au golfe de Gabès), ou de la mise en place de cadastrations visant à organiser l’espace dans un but administratif et fiscal. Ils pouvaient aussi être mobilisés pour des travaux et constructions civils, notamment dans les capitales ou villes de garnison, ou lorsque le personnel civil spécialisé faisait défaut, par exemple les travaux d’adduction d’eau.
L’armée romaine était donc un ensemble complexe. C’était évidemment une armée au sens actuel du mot, mais aussi une force de police et un réservoir de personnel administratif ou technique, cette multiplicité des tâches impliquant une dispersion des hommes et expliquant sa relative faiblesse et les difficultés que connut parfois Rome. En même temps, en dehors de ses tâches militaires et civiles, l’armée jouait un rôle économique de premier plan, tant par les dépenses qu’elle représentait pour l’état romain, que par les sommes qu’elle dépensait dans les zones de garnison. Sans être non plus une « machine à romaniser » vu la durée du service dans les unités ouvertes aux pérégrins, elle contribuait aussi à diffuser la citoyenneté romaine, certes de façon sélective, mais surtout à répandre la culture romaine, et d’abord l’usage du latin, dans toutes les zones où elle se trouvait.

Eléments de bibliographie :
Passages sur l’armée dans M. Le Glay, J.-L. Voisin, Y. Le Bohec, Histoire romaine, Paris, 1991, notamment p. 203-207 ;
Y. Le Bohec, L’armée romaine sous le Haut-Empire, Paris, 2002 (autres éditions identiques) ;
P. Cosme, L’armée romaine, VIIIe siècle av . J.-C.-Ve siècle ap. J.-C., Paris, 2007.
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